Travail et santé : Sommes-nous faits pour travailler ?

Travail et santé : Sommes-nous faits pour travailler ?

Pourquoi le réveil est-il si difficile le matin ? Pourquoi est-ce qu’on rentre si fatigué du travail ? Quel rapport entre santé et travail ? Quelle conception du travail et sommes-nous faits pour travailler au final ?

Travail et santé

« Je n’aime pas mon travail », une expression beaucoup trop fréquente dans la bouche de ces patients qui vont consulter pour des maux diffus, des épisodes de déprime, des hauts et des bas en couple, une mauvaise relation à leurs enfants, etc. Le fait de ne pas aimer ce qu’on fait tous les jours pendant des heures, et pendant des années, ne peut pas être sans incidences sur la vie et la santé de la personne. Certaines études parlent aujourd’hui de la « souffrance au travail », sans oublier qu’il y a des suicides causés aujourd’hui par ce qu’on appelle le « burn-out »….

Sommes nous faits pour travailler (dixit Paul Ariès ?). Quelle conception du travail d’abord ? L’Homme aime travailler, il n’aime pas être « demandeur d’emploi », obligé à faire des tâches qui ne l’intéressent pas parce qu’il a besoin de manger…

Quelles nouvelles conceptions du travail alors en ce troisième millénaire ?

Le salariat moderne, aliénation moderne ?

Si on essaie de remonter un peu le temps, pour avoir une compréhension plus globale du travail et de son évolution le long de l’histoire de l’Homme. On se rend vite compte que c’est avec la révolution industrielle et l’avènement du travailleur/consommateur de masse qu’est apparue une nouvelle forme d’aliénation, beaucoup plus sournoise et silencieuse que celle de l’époque féodale.

Le salariat est effectivement nouveau dans l’histoire de l’Homme. Le salariat de masse est apparu en même temps que la régulation et la standardisation du travail et des processus de manière rigoureuse. On appelle cela l’OST : l’organisation scientifique du travail, et dont l’essence est de s’ingénier à diviser les tâches nécessaires à la fabrication d’un objet donné, afin qu’elles puissent être réalisées de la façon la plus rapide possible, la plus simple possible, la moins fatigante possible. Il ne s’agit pas de rechercher le confort du salarié, mais d’essayer de rentabiliser sa force de travail, afin qu’il travaille plus, réalise le plus de tâches, que l’usine fabrique le plus de pièces en somme. C’est la rentabilité, mot d’ordre de l’économie industrielle, capitaliste devenue mondialisée, donc très dérégulée.

Nouvelle conception de la consommation, nouvelle conception du travail ?

Depuis quelques années s’élèvent des voix pour penser le travail de façon différente, des voix comme celle de Paul Ariès, penseur de la décroissance, rédacteur en chef du journal les Z’indignés (www.les-indignes-revue.fr) et auteur de plusieurs livres. Ou celle de Bernard Friot, économiste et philosophe, qui n’hésite pas à poser l’idée d’un revenu universel  demain pour tout le monde, afin de libérer les individus de la nécessité de « travailler » pour gagner sa vie. Ainsi, et en théorie, chacun consacrera son temps et son énergie à faire ce qui le passionne, ce qu’il aime faire, ce qui fait sens pour lui. Une révolution dans l’histoire de l’humanité.

Les nouveaux modes de consommation qui se répandent partout dans le monde, notamment en France, ne font que renforcer cette tendance vers un travail libérateur, un travail qui fait sens pour l’individu et lui donne du bonheur, à lui ainsi qu’à toute sa communauté.

On assiste en effet à une explosion de la consommation dite collaborative ou participative, on préfère échanger et partager, plutôt que de posséder. Louer la machine à laver du voisin, sa voiture ou sa perceuse le temps d’un weekend, permet en plus de reconstruire du lien social. Une tendance qui échappe au seul contexte de la crise paraît-il pour incarner un nouveau mode de pensée et de consommation. Est-ce la fin du mythe de la possession et de l’avoir et le début d’une société du partage et de l’être?

Les métiers de l’artisanat ou le bonheur d’être et de faire

La demande de consommation va de plus en plus vers des produits différenciés, des produits de fabrication artisanale et non industrielle, des produits empreints de la joie de vivre de l’artisan et de son amour de son métier pendant les heures de fabrication de l’objet. Ainsi de plus en plus de personnes quittent le salariat pour se consacrer au travail manuel de jouets, de meubles, de bijoux, déco, etc. Le bonheur de faire passe avant l’argent.

Je suis débordé (e) et j’aime ça !

Il existe aussi une catégorie de personnes qui choisissent de se noyer, littéralement, au travail, de crouler sous les dossiers, pour ne pas se laisser le choix. Etre débordé (e) toute la journée est en effet une bonne stratégie pour ne pas se poser de questions sur le sens de ce qu’on fait, l’utilité ou la finalité de ce travail. Mais surtout sur le sens de sa vie et l’énergie que l’on dépense dans un sens ou un autre.

Les stratégies de motivation dans l’entreprise

Les chiffres de la démotivation dans l’entreprise sont très élevés. Une étude mondiale donne des chiffres supérieurs à 70% et jusqu’à 95% des salariés démotivés dans certains pays. La crise n’a fait qu’augmenter cette démotivation. C’est ainsi que les décideurs redoublent d’effort pour mettre en place des stratégies de motivation pour construire l’esprit d’équipe, intégrer l’identité de l’entreprise et faire adhérer le personnel à ses objectifs, etc. Toutes ces stratégies s’avèrent inefficaces, ou du moins efficaces seulement à court terme, du moment où la personne ne se sent pas heureuse dans ce qu’elle fait.

Le culte de la croissance

Le dogme de l’emploi comme vecteur de l’auto-accomplissement et du « devoir toujours travailler plus » est corollaire de celui de la croissance. Pour rappel, la croissance, ou l’accroissement de la richesse à l’échelle d’un pays, est mesurée par ce qu’on appelle le produit intérieur brut (le PIB), une grandeur qui mesure l’ensemble des richesses accumulées après un laps de temps donné (un an en général) au niveau de toute l’économie d’un pays. Cet indicateur est assez vague en réalité, car il peut très bien y avoir croissance, et pas développement. Pas d’augmentation du niveau de vie de la population, pas d’augmentations salariales, etc. La croissance, comme indicateur, n’a absolument rien à voir avec l’amélioration du bien-être, de l’état de santé, ou plus généralement du bonheur, de l’individu lambda.